Des réactions négatives incessantes à l’accueil des autres en soi
C’est à la fin de ce très bel été 2022, que j’ai décidé d’écrire un article sur un aspect peu reluisant et très fatiguant de la nature humaine : le non contrôle de ses pensées, et l’ingérences constantes des pensées négatives dans sa psyché, ainsi que les solutions possibles. Depuis quasiment 2 ans, j’ai commencé à ressentir le besoin de méditer bien plus que seulement 2 fois 20 minutes par jour. Au début surpris de cette aspiration intérieure, il s’est rapidement vérifié que j’avais besoin de 3 fois plus de temps d’assise méditative. De nombreux mois plus tard, au sortir de ces longues plages de méditation, j’ai commencé à être intérieurement surpris – tel un candide sortant d’un dojo -, de ce que je constatais des relations humaines autour de moi, comme si je les percevais différemment. Au bout de quelques jours à m’interroger, j’ai compris que ma sensibilité s’était bien accrue à propos des mouvements intérieurs cachés derrière les gestes, les visages, les paroles, les intonations et bien sûr : les mots. Tout ce à quoi je suis pourtant attentif – quasiment depuis mes jeunes années -, me devenait plus clair, mais aussi plus sombre… voire même assez désolant… alors que vivant dans un environnement propice aux belles impressions. J’ai commencé à être bien plus sensible à tant de troubles relationnels pour rien, tant de paroles anodines qui révèlent un conflit, tant de gestes brusques et de visages désapprobateurs pour un rien. Non pas des conflits ouverts ou d’actes de méchanceté, je parle de comportements considérés comme normaux… (parce qu’habituels…) Comportements, non pas issus d’êtres plus mauvais que d’autres, le contraire même, des manifestations fréquentes et inconscientes d’amis ou de proches, qui en sont la plupart du temps totalement inconscients, tellement tout cela est : normal …
Toutes ces pensées mécaniques qui tournent sans cesse autour de moi, moi, moi
Dans le cadre de ma pratique du Chemin Spirituel auprès de mon Maître, j’ai été amené, un jour, à faire face en moi, à cette dynamique négative qui pollue la vie intérieure de chacun et se propage dans son espace relationnel, puis à l’autre, puis on ne sait jusqu’où.… Dans l’Enseignement de la Psycho-Anthropologie qu’il a créé, Selim Aïssel a appelé ce phénomène : la « considération intérieure ».
Il décrivait cela à peu près ainsi : vous avez constamment en vous des voix qui vous parlent, vous n’êtes jamais silencieux. Même lorsque vous vous asseyez avec la ferme intention de méditer, ce processus ne cesse pas – et pour certains même – il s’amplifie. On appelle cela le « bavardage intérieur », cela bavarde en vous – à propos de tout et de rien -, à propos de vous et des autres, à propos de ce que vous avez vu à la télévision ou entendu à la radio. Votre boite crânienne est un poste radio qui zappe constamment d’une idée à l’autre et vous n’y pouvez rien… Lorsqu’un train de pensées s’arrête, il est immédiatement remplacé par le suivant, et il en est ainsi toute la journée. Mais en y regardant de plus près, on se rend compte qu’une partie non négligeable de « ces conversations avec soi-même », tournent étrangement quasi exclusivement autour de soi… Elles tournent autour de ce que les autres font de « mal », que, bien sûr, ils devraient faire « bien » , ou mieux encore : à propos de ce qu’ils devraient faire de mieux à notre égard… Cette partie-là du « bavardage intérieur » s’appelle « la considération intérieure ».
Selim Aïssel : « Les considérations intérieures sont toutes les pensées mécaniques tournant sans cesse autour du même sujet : moi, moi et encore moi. Les autres, la vie, Dieu… ne me traitent pas comme ils le devraient, ne font pas ce à quoi j’ai droit. Par exemple, votre conjoint doit s’occuper de vous, vos enfants doivent avoir tels résultats, vos collègues de travail vous doivent le respect, etc. Lorsque les autres ne font pas ce que vous attendez d’eux, vous êtes déçus, blessés, vous vous sentez négligés, dévalorisés, etc. Pourtant, l’attitude des autres ne change rien à la personne que vous êtes réellement ! Les considérations intérieures ne servent à rien, si ce n’est à vous créer des souffrances inutiles. »
Un voisin qui ne me dit pas bonjour ce matin, une grand-mère qui n’avance pas dans la file d’attente du supermarché, la voiture de devant qui ne s’arrête pas à l’orange et grille le feu, ma femme qui me dit pour la troisième fois de penser à récupérer une livraison en point Relais ; et voilà que chaque situation de ma vie est l’occasion d’entamer un flux de pensées critiques, voire franchement négatives. Quoi de plus logique en effet, ne suis-je pas le centre de mon propre monde… ne suis-je pas en droit d’attendre que les autres agissent correctement et selon mes attentes égocentrées… Ce processus est tellement omniprésent en chacun, que 99% des humains n’en ont pas conscience, et en parler peut vite paraître déplacé, tant ce processus est considéré comme normal, voire légitime… Et d’un certain point de vue, tout est très bien ainsi… Il s’agit là de la condition humaine d’hier et d’aujourd’hui. Des hommes et des femmes au niveau d’évolution des êtres humains actuels. Je suis contemporain de ces êtres humains tels qu’ils sont, j’en suis donc une partie !
Mais quelle partie ?
Le jour où mes yeux ont soudainement regardé vers l’intérieur
Un jour, il y a longtemps de cela, alors que je filmais Selim Aïssel depuis une dizaine d’années, – à l’occasion de ses célèbres entretiens lors du déjeuner – une fois l’entretien terminé, je me plaçai rapidement près de la caméra pour l’avancer, pour que les amis qui prenaient leur repas autour de nous, ne viennent pas se prendre les pieds dans le matériel vidéo en sortant de la salle. Durant une période, il y avait régulièrement un ami élève qui venait s’asseoir à côté de moi ou dans des places proches. Lorsque Selim Aïssel clôturait l’entretien et souhaitait une bonne journée à l’assemblée, puis se levait pour partir, alors que tout le monde commençait à débarrasser assiettes, couverts, puis se diriger vers la vaisselle, j’avais remarqué que cet ami à ma gauche faisait cela de façon bruyante et cognait fréquemment les couverts ou les assiettes en les débarrassant. Je constatais depuis des semaines, que ce même processus peu délicat se reproduisait. Lors de ces instants je me mettais à « considérer intérieurement » : me disant que tout de même… le Maître venait à peine de quitter la salle et nous passions en un instant de l’écoute d’un Enseignement Spirituel Vivant, à un chaos qui allait crescendo. Ainsi, tous les jours, je considérais qu’il n’était pas possible de faire preuve de si peu d’attention, à fortiori au sein d’un des très rares lieux sur Terre qui propose « le travail d’attention, de présence et de conscience de soi » …
Et donc, « du haut » de mes « constats », louant quelques notions phares de notre Enseignement… à propos d’une meilleure façon de se comporter, en réalité systématiquement « je considérais intérieurement » … Au point même, de devenir particulièrement attentif à cet ami qui – de jour en jour – manifestait « une certaine créativité dans son manque d’attention » 😉
Un jour, soudainement, je réalise que cet ami se comporte quotidiennement ainsi, pendant que moi « preux chevalier des attitudes adéquates » et bien tous… les… jours… : je considère, je peste et critique intérieurement. Le jour où j’ai vu – non plus seulement l’autre – mais où ma caméra intérieure s’est retournée de 180 degrés… révélant brusquement mon propre état, ma propre misère, mes propres limites si peu reluisantes, je me suis dis : « toi qui te prends pour quelqu’un de très peu influençable (on se rappelle que l’influençabilité est, selon le Maître Spirituel G.I. Gurdjieff : la pire tare de l’être humain,) « tu es en réalité l’être le plus influençable du monde !!! » …
Je m’estimais très peu influençable du haut de mes 45 ans, alors que j’étais totalement soumis à l’attitude de cette personne, qui, par ailleurs est un ami riche de ses qualités, avec, en particulier un grand sens du service. C’est quelqu’un de bien, qui à cet endroit, ne se comportait pas forcément de façon idéale et faisait simplement preuve de peu de précaution comme j’en fais assurément autant dans d’autres circonstances… Je me découvre donc – grâce à cet ami -, comme une personne très influençable, réglée elle aussi comme une horloge, pour agir tous les jours de la même mauvaise façon. Autre aspect : jusqu’à cet instant, je n’avais pas vu mon attitude intérieure comme négative, laide, jugeante et pourtant… toute ma « cohérence » était étayée par le fait que mon ami ne se voyait pas en train d’agir comme moi je le voyais. Deux aveugles proches… dont l’un se plaint tous les jours de l’aveuglement de l’autre… …
Mais n’agit-on pas ainsi dans la moindre de nos critiques destinées aux autres et au monde… …
Une autre expression issue de l’Enseignement de la 4ème Voie G. I. Gurdjieff : « horreur de la situation » … où comment se voir soudainement tel que l’on est, et non tel que l’on s’imaginait… Un instant de clarté intérieure pour se voir réellement, froidement, sans le masque… Se voir comme un « regard caméra », un regard « objectif », hors de ses conditionnements habituels, hors de ses justifications quotidiennes, qui fait que chacun se conçoit constamment comme ayant de bonnes raisons d’être comme il est, et d’agir comme il agit.
Ce début d’après-midi-là, « horreur de mon manque de liberté », « horreur d’être aussi stupide tous les jours » et d’être – comme le répétait souvent Selim Aïssel, « une machine, une mécanique programmée » qui s’imagine libre. Quelqu’un agit d’une certaine façon dans mon environnement, et ma machine intellectuelle, ma programmation émotionnelle et mes attitudes physiques se manifestent négativement tous les jours de la même façon, telle une routine d’ordinateur. Une personne se comporte tous les jours de la même façon et je lui emboite le pas… avec bonne conscience d’être moi dans le juste… Sinon, nous agirions autrement, non ? A moins que nous ne soyons pas conscients de ce que nous faisons, de ce qui se vit en nous d’instant en instant ? Etais-je conscient de « considérer intérieurement » jusqu’à ce jour ? Bien sûr que non, mais… mais, je voyais tout de même mon manège, mon attention perverse aux « fautes » de l’autre. N’est-ce pas une forme de vice ? Pour le moins, une très grande faiblesse psychique : ce sont les autres à travers ce qu’ils font, à travers ce qu’ils disent, qui dominent ma vie… Ma vie intérieure est en prise directe avec les actes des autres, telle une girouette je ne sais que réagir aux mouvements qui m’entourent, et réagir négativement de surcroît.
Mais, moi je suis dans le juste…
Un Travail sur soi finalement assez rapide … … 2 ans après … …
Une fois mes outils de « guerrier de la Voie » définis et maitrisés, les jours, les semaines, les mois de lutte quotidienne passent. Un jour, deux ans après, – c’était vraiment deux ans après, au mois de mai -, je réalise soudain une chose très bizarre : j’ai l’impression que cela fait quelques jours environ une semaine que je ne lutte plus contre la « considération intérieure ».
Face à ce constat, je me demande aussitôt pourquoi je ne m’en suis même pas rendu compte de suite… Et la réponse m’est venue quelques jours après : « mais en fait ne pas être négatif, ne pas critiquer, ne pas juger, ne pas insulter les autres dans sa tête, ne pas se prendre pour le centre du monde, ne pas attendre constamment des égards de la part des autres et se rendre négatif si on ne les reçoit pas : mais c’est ça la NORMALITÉ ! … … Et lorsque « la normalité » surgit en soi, la fausseté, le mensonge, la haine s’éloignent et ils ne manquent à personne…
Aujourd’hui, bien des années après, je vis tous les jours qu’il est tout à fait normal de ne pas considérer intérieurement. Je sais que c’est l’état normal d’un être humain un peu « équilibré », un peu « guéri » des conditionnements éducatifs et collectifs. Mais il y a quelques années, cela me paraissait fou d’avoir réussi à annihiler cette partie négative de ma psyché, de ma conscience. J’ai trouvé ça tellement fou, que je n’ai osé en parler à personne au départ… Je me disais que ce n’était pas possible, que ça allait revenir, que c’était comme une pause dans la lutte. Ma logique était : profites-en, mais ne crie surtout pas victoire !!! Et donc je ne crie pas victoire en moi, je ne crie pas victoire à l’extérieur et je n’en parle même pas à mon Précieux Maître Selim Aïssel.
De l’illusion de pouvoir aider l’autre…
Durant cette période de répit, je rencontre différentes situations très surprenantes. Un jour une amie se plaint, s’inquiète, et considère à voix haute à propos des autres. A ce moment, je vois en moi, un amour intérieur naître – avec une énergie qui l’accompagne – et je réalise que j’accueille complètement cette personne qui est en train de se critiquer elle-même, qui est en train de critiquer les autres, et qui est en train de critiquer la situation dans laquelle elle se trouve. Je suis juste à côté d’elle, je la vois, je l’écoute et je suis dans un accueil intérieur déconcertant, et dans une énergie extrêmement différente de la sienne. S’éveille aussitôt un mouvement intérieur qui m’interroge sur comment lui venir en aide ? Je perçois avec force que le problème n’est pas la situation, mais bien : la façon dont elle la vit … Comment lui faire comprendre de ne pas se critiquer elle-même, comment lui faire comprendre non seulement l’inutilité, mais surtout le poids des conséquences qui vont se rajouter du fait même de critiquer négativement les autres ?
On peut évidement avoir un avis critique ! Mais être critique ne signifie pas être négatif… Il n’y a aucune raison d’être négatif ! Je perçois en moi que j’ai envie de transmettre ça à cette amie, de le lui dire, de le lui expliquer, de le lui faire comprendre… Je perçois dans l’instant que cette personne est tellement autre chose, que cet espace réduit dans lequel est en train de se restreindre elle-même, sous prétexte d’une situation ou d’une parole extérieure qui l’a faite réagir. Elle est tellement plus grande, plus belle, plus vraie que ce dans quoi elle s’enferme…
Mais je perçois aussi qu’elle est tellement prise par le négatif en elle, que lui parler ne va servir à rien. En tout cas, là, maintenant. Cette situation, je la vivrai plusieurs fois avec toujours cet étrange sentiment intérieur porteur d’une sensation pure, une sensation candide en moi. Que puis-je faire pour l’autre : là maintenant ? Et ce constat répété me révèlera avec douleur que, finalement, là, maintenant, quand quelqu’un est pris dans une émotion négative, on peut certes l’écouter, certes subir son énergie négative même si on n’en est pas la cible, mais certainement pas l’en faire sortir… Il existe, bien sûr, des « techniques abruptes ou rusées » mais elles doivent être maitrisées et donc mises en oeuvre avec les bonnes personnes et au bon moment ! Je le sais pour en avoir plusieurs fois bénéficié… … par les bons soins de mon Maître… ou l’avoir vu agir de la sorte 🌹
Lorsque l’on mesure durant des années et des décennies, la difficulté, que dis-je : « l’immense travail » de se changer soi-même, à se rendre bienveillant, respectueux et ne pas être soi-même négatif, il est bien prétentieux d’imaginer pouvoir faire quoi que ce soit pour les autres. D’ailleurs quand je suis moi négatif, est-ce que les autres (qui ne le deviendraient pas à leur tour, bien sûr…) arrivent à m’en sortir ??? Bien entendu, on peut toujours être quelqu’un qui agit, qui pose des actes aidant, voire aimant, mais aider quelqu’un à changer ses pensées, ses émotions, ses paroles, ses actions. Bon courage ! Ceci dit – la chose est fréquente – de voir des personnes « sobres de toute négativité dans l’instant » vouloir en aider une autre. En particulier, aider les proches – que l’on connait pourtant très bien – combien de fois est-ce couronné de succès ? Combien de fois la situation dégénère d’autant plus ??? Aider quelqu’un dans ses émotions négatives, aider quelqu’un à comprendre quelque chose qu’il ne veut pas comprendre, voilà une mission qui ne me pèse plus beaucoup… ce n’est pas faute de m’y être tellement fait piégé…
De mains de Maître …
Un jour, quelque mois plus tard, j’accompagne Selim Aïssel à Strasbourg. Je le conduis – comme je le faisais régulièrement – et, sur le retour, il me demande : « alors quoi de neuf » ? « Quoi de neuf » est une expression à la fois tout à fait ordinaire, mais entre nous, et du point de vue de l’enseignement de la Psycho-anthropologie de Selim Aïssel, cela signifiait : qu’y a-t’il de neuf en toi ? As-tu quelque chose à partager qui ne serait pas le fruit de tes vieux conditionnements physiques, émotionnels ou intellectuels, et viendrait d’une partie supérieure à cela. Dans ce contexte, lorsqu’il ouvrait ainsi le partage, je pouvais dès lors échanger sur un problème, un projet ou un questionnement intérieur en lien avec son Enseignement Spirituel ?
Ce jour-là, alors que ma négativité intérieure à travers les considérations, ne s’était plus représentée depuis environ 4 ou 5 mois, je croyais encore très difficilement d’avoir pu m’en nettoyer, et du coup, je n’avais même pas encore osé lui en parler, ceci bien qu’étant en contact direct et quotidien avec Lui. C’était assez étonnant car j’avais vécu dès ma première rencontre avec Lui, un contact facile et respectueux, mais là, ça me paraissait trop fou, j’attendais presque le jour où le négatif reviendrait en moi pour la deuxième manche de ce combat… Je crois que je ne m’imaginais pas qu’il soit possible de s’en débarrasser sans être éveillé, réalisé, bref parfaitement accompli spirituellement…
Pour être parfaitement honnête, on peut dire que je ne considérais plus à 98 %, mais il m’arrivait une fois tous les quinze jours, deux fois ou trois fois par mois, que quelque chose de négatif me prenne, me bouscule quand même, mais c’était tellement exceptionnel que ça paraissait comme une tâche noire sur un mur blanc… Aussitôt – après ces 2 années de lutte acharnée – et 4 mois de répit, je me demandais ce que faisait cette tâche soudaine dans ma conscience ? Et donc j’ai vite compris que si cette pensée négative apparaissait ainsi soudainement, avec cette personne, dans cette situation, ou après le propos de quelqu’un, si elle se manifeste, c’est qu’il y a vraiment quelque chose d’intéressant à aller voir, il y a là quelque chose que je dois creuser, que je ne peux pas laisser passer.
Et donc, en général, je fais soit ce qu’on appelle dans l’Enseignement « une représentation de petit moi » (les petits « moi », ce sont les centaines de fragments qui constituent la personnalité ainsi que la « fausse personnalité », la partie ombre que possède chacun), soit « un traitement énergétique » qui peut être une technique de percussion sur des points « d’acupuncture » spécifiques comme présenté dans « Remédier aux Perturbations Energétiques » dont j’ai usé et abusé durant des années ;-).
Et donc, lors de ce retour en voiture de Strasbourg, j’ose enfin aborder le sujet de la disparition quasi-totale de mes considérations intérieures avec mon Précieux Maître. Je lui dis que cela me parait complètement fou, mais apparement je suis libéré depuis plus de 4 mois des « considérations intérieures ». Il me répond aussitôt « et bien, on est 2 dans l’Ecole à être dans cette situation ! ». Aussitôt je suis « scotché » de sa réponse et je ne m’étais jamais demandé, si d’autres, dans l’Ecole avaient entrepris un tel travail et atteint un quelconque succès. Je lui dis que je n’ai pas osé lui en parler avant, car cela me paraissait fou de prétendre être libéré d’une telle force si négative que chacun porte en soi – en général toute sa vie – et qui augmente encore avec nos vielles années…
(souvent on constate le « radotage » de nos ainés très âgés, mais on ne pense pas un instant à nos « radotages incessants » tout au long de notre vie. Je crains que nous ne devenions avec l’âge, le résultat de ce que nous avons cultivé durant notre vie… D’ailleurs j’avais appelé il y a des années un DVD d’une conférence de Selim Aïssel : « Tu deviens ce dont tu te nourris »… Nos actes, nos émotions, nos pensées, ne font pas que rejaillir sur le monde et les autres… nous sommes les premiers à en « bénéficier »… Les premiers à nous « nourrir » de nos propres manifestations négatives… Quand quelqu’un critique, hurle, ou ment à propos d’un autre, – sans le savoir – il est le premier à recevoir ce qu’il vient d’émettre. Il est le premier à se polluer lui même, là immédiatement, mais également à en porter l’exacte conséquence un jour dans le futur par le « jeu » du karma. Beaucoup veulent améliorer la planète … voire même l’humanité… la Psycho-anthropologie de Selim Aïssel est très claire et très directe à cet endroit : « commencez par vous améliorer vous-même… » Non seulement c’est le seul véritable endroit de pouvoir… mais, de plus – avec un peu de sérieux et de sincérité – on se rend compte un jour que commencer ailleurs, c’est commencer dans le mensonge… Que les politiques changent, que les patrons changent, que les voyous changent certes, why not ! mais moi, au fait, … je change quand ???)
Très étonné de sa réponse, je ne sais si elle est vraie ou si c’est de l’humour. Je lui dis que je n’osais pas lui en parler tellement cela me paraissait fou, que je semble en être libéré. Puis, je le remercie car certes, – j’ai fait ce travail non-stop durant 2 ans -, mais j’ai aussi eu la bonne idée de lui écrire un courrier le jour même, et qu’il m’a aussitôt incité à le faire. Je continue en affirmant qu’évidemment, « d’une façon ou d’une autre, j’ai bénéficié de votre soutien et de votre force pour faire ça. Même si je ne sais de quelle façon, mais je n’ai aucun doute sur votre accompagnement. » Et là, tout souriant il me dit : « tu vois, toi et moi, on est vraiment dans une très bonne situation ! Toi, tu as vu un vrai Travail à faire, tu as fait ce travail et aujourd’hui tu as atteint certains résultats remarquables. »
« Et moi, tu m’as proposé ce travail, je t’ai incité à le faire, donc on est tous les deux dans une très bonne situation, parce que toi, tu sais que tu ne peux pas t’attribuer la totalité du résultat obtenu, et moi je ne peux pas m’attribuer le travail, que toi, tu avais à faire… Donc… on est tous les deux dans une très bonne situation… »
Puis il rajoute : « il y a peut-être encore d’autre paramètres au-delà de toi et moi, peut-être que ton karma de cette vie est particulièrement favorable à ce que tu entreprennes ce travail… … parce que tu as préparé certaines choses dans d’autres vies…
Donc tu vois, la croissance d’un être humain à travers le temps, à travers des vies et des vies, est quelque chose de très très complexe, mais on peut aussi ramener toute cette complexité à « ici et maintenant ». Il y a 2 ans de cela, pour toi, « ici et maintenant » était « je suis un idiot négatif qui considère tous les jours à propos d’autres qui ne se comportent pas tous les jours bien ». Ce jour-là, tu as décidé que tu ne voulais plus être ça, tu m’en as parlé et tu t’en es donné les moyens. Voilà, point ! Laissons les vies antérieures à leur passé glorieux ou douloureux, la question sera toujours : Qui es tu ? et que veux-tu devenir « Ici et Maintenant » ? Et, c’est pour cela que nous appelons ça, le Travail ! »
Nous terminons notre trajet vers l’école et arrivons aux environs de 12h50, et à ce moment-là, les « petits déjeuners avec Selim Aïssel » étaient des déjeuners à 13h. Il restait juste quelques minutes pour que les élèves passent à table. On arrive tous les deux très juste dans la salle à manger, lui avec ses quatre chiens et moi avec ma caméra. L’entretien commence à se dérouler avec des questions suivies de réponses, comme tous les jours depuis des années. Puis, dans sa réponse à un élève, il dit : « la considération intérieure fait partie des choses essentielles à traiter sur le chemin. D’ailleurs, Brice a fait un vrai travail là-dessus et a obtenu des résultats intéressants. » Et, là soudainement, il se tourne vers moi et me dit avec un visage sérieux sur un ton ferme : « D’ailleurs concernant ce travail et son résultat, tu t’es libéré de combien de pour cent de tes considérations intérieures. »
Et là, complètement surpris je me dis très vite : je ne vais pas dire 100% car j’en ai l’une ou l’autre qui passe très très rarement, mais ça fait combien de pour cent ? Pendant que je réfléchis à la bonne réponse…, je réalise que j’ai perçu son ton, son visage, sa gestuelle, et je me dis qu’il y a là une « raison suspecte » pour qu’il me questionne soudainement ainsi. Je me dis que je vais répondre 90% même si je pense que c’est plus, puis je pense que c’est encore trop – vu le « piège » que je flaire, je me décide pour répondre 80% … Et là, il me répond avec une ferme vélocité : « Et bien, tu vois, les 20% qui restent, c’est le Travail de « Considération Extérieure » qu’il te reste à faire. »
Une fois de plus avec mon Précieux Maître, j’étais scotché… Ce qui était remarquable, c’est qu’après la conversation dans la voiture, il rajoute là, en plein entretien, au milieu des autres, le travail que je pouvais encore faire sur moi. A ce moment-là, j’ai été à la fois surpris et à la fois dans un amour admiratif qu’il me propose aussi immédiatement « le pas suivant », le Travail suivant, ou comment affiner encore ce Travail.
« La considération extérieure », c’est comment comprendre, accepter, accueillir la réalité de l’autre, sa situation physique, sa situation émotionnelle, sa situation intellectuelle ; en résumé, c’est tenter de se mettre à la place de l’autre et comprendre pourquoi il vit les choses ainsi, pourquoi il agit ainsi. Dans la « considération intérieure », on juge et on définit d’après soi comment l’autre devrait être « mieux que ce qu’il est » … Dans la considération extérieure, on essaie de se mettre à la place de l’autre pour le comprendre, pour le « prendre en soi », plutôt que de le juger à partir de sa vie, on essaie de se représenter ce que lui vit et sur cette base, comment agir soi au mieux pour lui. C’est évidemment le contraire de la considération intérieure et cela en est évidemment l’un des médicaments importants. Non pas ce que les autres et le monde me doivent, mais ce que, moi je dois aux autres et au monde, avec en particulier : la bienveillance ou comment veiller au bien de l’autre comme le disait souvent Selim Aïssel.
Dans la voiture, nous étions deux Amis, dans une relation de Maître à Elève mais aussi Amis dans la vie, nous étions dans un espace où nous échangions le succès d’un long Travail, et là, devant les autres, au repas, il devient ce qu’il est aussi : le Maître de la Voie Abrupte, celle de la réalisation dans une vie. Provocateur, corrosif, il me « suggère avec force » le Travail suivant à accomplir. Histoire de « ne pas trop s’y croire »…, de ne pas perdre de temps : voilà les 20% qu’il te reste à faire et voilà comment le faire… Après cet échange magnifique – dans l’intimité de la voiture – où nous avons fait tant de kilomètres ensemble et eu tant d’échanges durant des années – là, sans prévenir, histoire de ne pas « s’endormir sur ses lauriers » à moins que ce ne soit des Roses…
Aujourd’hui, bien des années après, les « considérations intérieures ne sont jamais revenues ! Absolument aucune ? Non ! Il arrive qu’une à deux fois par mois, je me retrouve « accroché » à un acte, une attitude, une parole. J’ai compris que, dans ces très rares cas, c’était comme un feu de signalisation qui s’allumait : « Va voir, creuse à cet endroit, pratique une méthode de l’Enseignement pour enquêter, car là, tu as été touché dans un endroit qui requiert ton attention ». Une autre différence, c’est qu’avant je savais très, très bien pourquoi le comportement de l’autre m’éveillait à ma négativité, je savais très bien ce que j’avais à lui reprocher… (il suffisait que j’écoute les « stupidités qui me tournaient dans la tête, tel un poste de radio incontrôlable 😉 Depuis ces changements, lorsqu’une parole ou un évènement « accroche » une de mes parties encore négatives, je n’en comprends généralement pas la raison. Je ne perçois pas pourquoi – là maintenant – la parole de cette personne éveille en moi une réaction intérieure négative, alors que j’entends des propos similaires ou pires, bien d’autres fois, mais celui-là, ne semble pas indifférent à ma conscience. On sait bien aujourd’hui que ce que nous appelons « la conscience de veille » qui n’est que la partie immergée de ce que nous sommes, ne représente qu’une toute petit partie de notre Véritable Conscience. Il n’est dès lors pas étonnant que chacun ait, en bien et en mal, encore beaucoup, beaucoup, beaucoup à découvrir…
Plusieurs Amis m’ont dit ces dernières années : « mais comment fais-tu pour ne pas réagir à cela ? » Mais, qui a dit que je ne réagissais pas ? Je vois la chose, je l’entends, je la comprends, je peux même la trouver belle, noble, ou émouvante, ou encore déplacée, désagréable, insultante, mais percevoir et qualifier les actes, les paroles et les situations, n’induit pas d’en devenir négatif pour autant, pas plus que devenir soudainement agité, dithyrambique, fasciné.
Un jour, alors qu’adolescent, une jeune fille m’envoie soudainement un violent coup de pied dans les fesses… Son frère venait de me provoquer à la sortie de l’Ecole en duel au poing pour une sottise navrante durant la récréation du matin. C’était la mode des bagarres à la sortie de l’Ecole, je m’en tenais très loin mais « il m’avait invité » et je ne voulais ni y aller, ni me défausser… Donc on s’est un peu frotté, puis quand j’ai vu qu’il comptait me faire mal, j’ai pris les devants et je lui ai fait un peu mal… Sa soeur n’a pas apprécié et 10 min après le combat de 3 minutes, elle m’envoie ce violent coup de pied au derrière sans crier gare… Je me retourne vigoureusement – croyant que mon duelliste voulait sa revanche – et la reconnaissant, je vois aussitôt cette soeur qui aime son frère et qui m’en veut de lui avoir fait un peu mal. A cet instant, je la vois, je perçois son état, et je me vois et ressens la douleur dans mes fesses, et puis… .. Que rajouter à cette situation idiote ? Je lui dis que je suis désolé, que je n’ai pas demandé cette bagarre et que je n’ai rien contre son frère ni contre elle. A-t’on besoin de réagir constamment négativement à la négativité ? Non ! Même si elle m’a fait mal, ce jour-là « je me suis mis à sa place, j’ai fait preuve de « considération extérieure » et j’ai donc compris ce qui l’avait amené à me faire du mal à son tour.
Est-ce que le processus est fort en soi et en chacun ? Oui très, très, très fort, mais chacun a un jour expérimenté un comportement digne, tranquille, presque serein dans une situation, ou avec des personnes qui manifestaient le contraire. Cela nous est tous arrivé un jour ! Et bien, la différence avec ce travail d’éradication de la réactivité qui s’impose en soi, c’est de faire de cette expérience exceptionnelle que chacun a connu, un état en soi avec lequel il fait bon vivre… Car je peux le garantir, la première personne à en bénéficier tous les jours, c’est d’abord soi-même 😉
Aujourd’hui ne suis-je plus critique ? Si, si toujours !!! Mon Maître, n’était-il pas une personne critique ? Je sais que cette question fera sourire tous ceux qui l’ont bien connu… mais être critique, voire très critique, ne signifie en rien devenir soi-même négatif pour autant… Depuis deux ans que mon Maître a laissé son corps, n’y a-t-il pas des milliers de raisons d’être critique quand on assiste à l’effondrement de pans entiers de civilisation construits siècles après siècles, n’y a t’il pas des raisons d’être critique, voire d’aiguiser plus que jamais son discernement ? Si, bien sûr, être informé et être toujours critique, toujours Chercheur de Vérité, mais devenir négatif à chaque information, à chaque tweet, à chaque désinformation. Pour ma part, certainement pas ! Quand on travaille des années à éradiquer le mal en soi, ce n’est pas pour le laisser entrer de nouveau dès que le monde devient encore plus fou… A chaque fois que l’information ou la désinformation est commentée avec émotion, je nourris en moi la division, la peur, la colère, la tristesse et bien d’autres choses plus inconscientes. Je deviens donc comme ce que je critique ? Et, c’est là que la boucle est bouclée, j’écrivais plus haut : « jusqu’à cet instant, je n’avais pas vu mon attitude intérieure comme négative, laide, jugeante et pourtant… toute ma « cohérence » était étayée par le fait que mon ami ne se voyait pas en train d’agir comme moi je le voyais. Deux aveugles proches dont l’un… se plaint tous les jours de l’aveuglement de l’autre… … Mais n’agit-on pas ainsi dans la moindre de nos critiques destinées aux autres … … »
Pour clôturer cet article avant qu’il ne devienne un livre 😉 je souhaiterais conclure sur « la Magie de mon Maître, la magie de son Enseignement et la magie de la Conscience… ». En commençant cette écriture, et alors que j’écrivais à propos de cet ami « peu délicat » et de mes réactions systématiques « peu nobles », la question s’est de nouveau plusieurs fois posée en moi : « mais pourquoi ce jour-là ai-je vu ? » et, pas les nombreuses autres fois précédentes ? Et puis … comme le hasard fait bien les choses, au début de cette écriture, j’ai lu un Cours Hebdomadaire de l’Ecole de Psycho-Anthropologie comme les élèves le font toutes les semaines. Et soudain, je lis un extrait de Selim Aïssel qui date de 2018 :
L’évolution possible de quelqu’un, c’est son chemin, et sur un chemin, il y a de gros cailloux, il y a des obstacles. Qu’est-ce qu’on fait ? On les contourne, on les surmonte, on va chercher un marteau ou de la dynamite et on les fait sauter. C’est la même chose pour les voiles qui empêchent d’accéder à la réalité. Ce qu’on apprend sur le Chemin permet de travailler sur chaque voile et c’est l’ensemble du Chemin qui permet, petit à petit, de voir la réalité ou la vérité, malgré les voiles du départ. Au fur et à mesure du Chemin, l’élève ne remarque pas que le Maître lui donne des indications et souvent, il ne remarque même pas que c’est le Maître qui a enlevé un voile ou qui transmet une énergie. Mais l’important, c’est de petit à petit comprendre toujours plus. Sans compréhension, il n’y a pas de voile qui tombe. C’est comprendre qui importe.
Il en est bien ainsi, un jour sur le Chemin Spirituel, on prend conscience que l’on doit tout à ses parents car ils nous ont donné la vie… Puis que l’on doit tout à nos éducateurs et à toutes les personnes et les situations rencontrées qui nous ont construits. Puis, pour quelques très, très rares êtres humains, qui ont la possibilité de rencontrer un Etre qui a déjà atteint – ce à quoi nous sommes tous appelés – on découvre un jour qu’on lui doit tout concernant la Libération, la Réalisation et l’Eveil… Je n’ai rien trouvé de plus beau, de plus grand de plus vrai à accomplir sur cette terre, à cette époque, que d’entreprendre la Réalisation de l’Esprit en moi… Pour autant je n’en suis pas moins un être humain normal, engagé dans la vie normale, qui comme chacun doit métamorphoser son passé, rencontrer son futur avec droiture, puis avancer avec courage en restant digne et tellement reconnaissant de tout ce qu’il a reçu.
Brice Morot / 🌹❤️
brice.morot@selim-aissel.com
Pour aller plus loin sur ce thème avec Selim Aïssel
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